jeudi 26 octobre 2017

Le corps, lieu de mémoire?

Nous connaissons les « lieux de mémoire » comme des objets ou des institutions constitutives d'identités culturelles et nationales. On se réfère généralement à des monuments, des emplacements précis, réels ou abstrait, des faits chargés d'histoire collective, marqueurs d'une identité nationale, régionale ou même villageoise. Pourtant, la mémoire se transmet également par le corps représenté et par le corps en mouvement. Les corps de ceux qui habitent ces lieux sont à la fois dépositaires d'une mémoire individuelle mais aussi « incorporent » et fabriquent une mémoire collective. À ce titre, peut-on dire que le corps, les corps transmettent une culture, des événements ou des rituels traversant les siècles ? Ils se situent à l'interface de plusieurs problématiques et traduisent une complexité parfois difficile à traduire sous d'autres formes. On analyse ici comment le corps peut être à la fois lieu de mémoire et de transmission d'histoire et d'un culte ancien toujours très présent dans la région de Naples, celui de la Madone de l'Arc. Les processions rituelles liées à ce culte, donnent lieu à une dévotion populaire (souvent combattue ou contrôlée par l'autorité épiscopale) encore vivante, notamment par l'usage des images (ex-voto), de la musique et de danses. Ce culte, organisé par une confrérie de pénitents, les fujenti, est l'expression d'une culture portée par les couches défavorisées face aux puissances publiques, politiques ou religieuses, où la souffrance auto-infligée constitue une offrande et une expiation envers la Vierge. Ainsi, ne peut-on considérer le corps, dans son expérience individuelle et collective, comme un lieu de mémoire ? Comme vecteur d'une histoire et producteur de récit, d'un récit des corps ?

Ludmila Acone

lire l'article en ligne : http://gerflint.fr/Base/Europe11/Acone.pdf

Abstract

We know Places of Memory as objects or as constitutive institutions of cultural and national identities, usually in relation to monuments, specific sites, real or abstract, to facts steeped in collective history, markers of national, regional or even village identity. But the body and bodies of those who live in these places are both repositories of an individual memory as well as incorporating and participating in the creation of the collective memory. As such, they can transmit a culture, events or rituals through the ages. They are positioned at the interface of several interrogations and translate a complex issue sometimes difficult to transmit via other forms. This paper analyzes how the body can be both a place of memory and history coming from an ancient cult, Madonna of the Arc, still present in the region of Naples, and whose ritual processions give place to a popular form of devotion (often opposed to or controlled by the official Church) still alive nowadays, especially including the use of images (ex votos), of music and dances. This cult, organized by a brotherhood of penitents, the fujenti, is the expression of a culture carried on by disadvantaged social groups opposing to the political or religious public powers, and where the self-inflicted suffering constitutes an offering and an expiation given to the Virgin. Thus, we can consider the body, in its individual and collective experience, as a place of memory, as a historical object and as such, as a producer of narrative, the narrative of the body

ill.: Gaetano Gigante ritorno da Madonna dell'Arco

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