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Buonamico Buffalmacco, Fresques du Jugement dernier (détail), 1336-1341, Campo Santo, Pise. |
En mai 1304, la ville de Florence
est le théâtre d’un évènement marquant : une représentation de l’enfer annoncée
par crieurs publics, battant le tambour dans les rues de la cité, sans texte ni
musique, car mise en scène sous forme de pantomime et se déroulant
simultanément sur terre et sur l’eau. Dans sa Cronica, Giovanni Villani
offre une description détaillée de cette représentation des feux de l’enfer,
des peines et des martyres que subissaient des hommes habillés en diable et des
âmes nues criant et pleurant. Mais la charge fut tellement puissante que les
scènes tombèrent, beaucoup de spectateurs se noyèrent. Les cris et les pleures
s’étendirent alors au public. Cela fit grand bruit dans la ville et fut perçu
comme un signe du châtiment des pécheurs. Les affres des peines infernales,
guettant les pécheurs spectateurs rejoignent les préoccupations eschatologiques
des contemporaines et le souci édifiant des autorités politiques et
religieuses. Ces dernières ont cherché, dans cette représentation, un
instrument efficace de « communication » au sein de l’espace citadin. L’enfer
se donnait à « voir » et à entendre en visant à toucher les spectateurs et à
les impliquer dans le récit. La ville est ainsi l’espace de transmission d’un
discours, qui à travers la perception sensible et sonore des émotions, englobe
toute la communauté et devient un véhicule de partage de valeurs et de
consensus : les acteurs et les spectateurs font ainsi corps avec le corps bâti
de la ville.
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